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Une salle à l’heure d’hiver

Une salle à l’heure d’hiver

Depuis un an, et à une exception près, l’Astrolabe, la célèbre salle de musiques actuelles du boulevard Jean-Jaurès, n’a pas accueilli de concerts. Pourtant, des choses s’y passent, entre captations et résidences. La structure, qui prévoit une reprise des spectacles dans ses salles à l’automne, a quand même pour idée de retrouver les Orléanais au printemps.
Benjamin Vasset
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Michel Cloup

« Ça fait du bien ! » En se levant de son tabouret, Fred Robbe, le directeur de l’Astrolabe, savoure le bon moment qu’il vient de passer. Une demi-heure plus tôt, Michel Cloup, chanteur et musicien toulousain, a commencé à jouer sur la grande scène. Un concert capté en vidéo, qui sera diffusé au mois de mai sur les réseaux sociaux et la chaîne Astro TV. Le concept, baptisé Les Éclipses sonores – et repris également à son compte par la salle des Temps Machines, à Tours –, présente deux intérêts : il permet d’abord à des artistes professionnels de faire leur métier, mais aussi au public de se servir une lampée de culture à l’heure où les robinets sont désespérément fermés. 

Alors oui, on n’avait plus tellement l’habitude de voir ça, mais les concerts, c’est comme le vélo : ça revient vite. Devant la prestation de Michel Cloup, on se dit qu’on est un peu privilégié de regarder, juste comme ça, deux types jouer de la guitare et de la batterie. Vite, on retrouve des sensations dont on était privé : on tape du pied, on bouge un peu, on en vient même à se demander si le son n’est pas un peu fort… La routine, quoi. Le morceau se termine… sans les applaudissements habituels. Retour sur terre. 

« et des protocoles pour ouvrir des supermarchés, on en fait ? »

Les beaux jours reviendront, la musique aussi. À l’Astro également, même si aucun concert n’est programmé avant l’automne prochain. La salle ne voulait pas prendre le risque de caler des concerts à son programme en fin de printemps, et puis de revenir dessus au cas où. Les reports, les annulations, ça va bien un temps… Et puis, s’il faut se fader des concerts assis, comme ce fut le cas, une fois, à l’automne 2020, merci du cadeau… L’Astro fait partie de ces salles où l’on a plutôt l’habitude de se trémousser et de boire des coups avant ou après le concert. C’est l’ambiance du lieu, ça ne changera pas. Problème : ce n’est pas très Covid-friendly. D’ailleurs, s’il était ministre de la Culture, Fred Robbe dit qu’il ne rouvrirait pas sa salle aujourd’hui, avec la circulation actuelle du virus. En
revanche, il s’interroge. « La fermeture des musées et des théâtres, ça, je ne comprends pas… » soupire-t-il. 

On se met à évoquer les protocoles sanitaires dont on entend parler, au loin, pour tenter quand même de rouvrir certains lieux culturels. « Et des protocoles pour rouvrir les supermarchés, on en a fait ? » demande le directeur de l’Astro. Quand elle a été nommée, Fred Robbe pensait que Roselyne Bachelot, la ministre de la Culture, « réussirait plus à faire valoir les droits des uns et des autres ». Alors il est un peu déçu de la tournure actuelle des événements. Et grommelle devant les conditions sanitaires qui seront imposées aux festivals, cet été. « 5 000 assis en extérieur… ? Et pourquoi pas 5 000 debout ? »

Oui, la période n’est pas simple pour la culture, dont on pourrait croire qu’elle est devenue pour de bon« non-essentielle ». La semaine dernière, dans nos colonnes, la chanteuse orléanaise Liz Van Deuq racontait à quel point elle avait été blessée par cette expression. « Ce sont des mots malvenus… pointe Fred Robbe. Un monde sans culture, ça peut exister. Mais c’est d’une tristesse absolue. » Ce qui est triste, à l’Astrolabe, c’est de disposer de deux salles de concert que, depuis un an ou presque, le public n’est plus venu garnir. « Ça nous manque », dit Fred Robbe. Une nouvelle chargée de communication a quand même été recrutée en début d’année 2021, mais c’est comme si elle n’avait pu embrasser qu’une petite partie de ses fonctions. «Elle se dit : “Quand est-ce que je vais pouvoir commencer à faire mon job ?”  », raconte Fred Robbe.  

110 cachets d’intermittence

Pourtant, ça bouge sur le boulevard Jean-Jaurès : pas de culture visible, ça ne veut pas dire pas de culture du tout. En dehors des Éclipses sonores, d’autres initiatives sont ainsi portées par l’Astro, comme le dispositif « Show What You Got » (« SWIG »), dont le public pourra s’emparer à partir du 31 mars (au programme : Lhiroyd, Upseen, Nope). Ce sont, pour faire court, des « pastilles » vidéo qui comportent des interviews d’artistes locaux et une petite captation de leurs morceaux. En février, dans le cadre de l’Open Club Day, le duo Angle Mort & Clignotant a pour sa part pu construire pendant plus de deux heures un morceau en lien avec un public connecté. Une expérience inventive et « rigolote », qui a débouché sur un live sympathique. 

« il y avait de la joie. c’était fabuleux, c’était essentiel »

L’Astro vit donc toujours, mais fait vivre aussi, grâce à des résidences d’artistes qui continuent de se tenir. « On a sept projets en cours », résume Fred Robbe, qui met en avant la dimension économique et sociale que revêt, pour le coup, cette continuité dans la création. « Tout ce qu’on fait là, ce n’est pas seulement pour exister sur les réseaux sociaux. C’est aussi parce que ça génère du flux financier ». Et accessoirement « 110 cachets d’intermittence » au travers 240 heures de résidences. Pour continuer à faire tourner la boutique, la salle de spectacle et l’association Antirouille, qui exploite l’Astro, ont pu bénéficier du du Fonds de soutien à la création artistique annoncé à l’automne par la Mairie d’Orléans et validé en début d’année au conseil municipal. 250 000 € en tout pour le secteur culturel. L’Astro en a récupéré 20 000 pour pouvoir financer des résidences d’artistes locaux. « Une somme plutôt convenable », se réjouit Fred Robbe. 

Évidemment, cette vie amputée du sel de ses concerts, qui est désormais le quotidien de l’Astro, ne durera pas éternellement. À l’automne prochain, les Orléanais devraient donc pouvoir retrouver le chemin de la salle pour des concerts. Se succéderont-ils à vitesse grand V pour rattraper le temps perdu ? « On n’est pas vraiment assailli par les demandes », rétorque Fred Robbe, qui explique que les tourneurs organisent plutôt les tournées de leurs poulains à horizon 2022. Pour autant, des artistes sont déjà attendus à l’Astro avant cet horizon, comme Camélia Jordana ou The Notwist. 

Avant cela, il y aura eu le festival Hop Hop Hop, en septembre, toujours « si les conditions le permettent ». Mais Fred Robbe se montre optimiste : en 2020, le festival a bien eu lieu au Campo Santo, quand bien même les chiffres de l’épidémie remontaient dangereusement. « L’an dernier, il n’y a eu aucun pic épidémique observé suite à Hop Hop Hop. Les gens étaient hyper-responsables. Il y avait de la joie. C’était fabuleux, c’était essentiel. » De temps en temps, c’est bon de le rappeler.
+ d’infos
www.lastrolabe.org
Facebook : « Astrolabe » / Instagram : @astrolabe_orleans

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