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Qui a tué Caroline Marcel ?
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Qui a tué Caroline Marcel ?

Qui a tué Caroline Marcel ?

En juin 2008, le corps sans vie d’une joggeuse était retrouvé sur les bords du Loiret. Presque quatorze ans après les faits, le meurtre de Caroline Marcel n’a toujours pas été élucidé. Alors que cette affaire a été récemment confiée à un nouveau pôle national dédiée aux cold case, Françoise Marcel, la mère de Caroline, a accepté, pour La Tribune Hebdo, de revenir sur les circonstances de la mort de sa fille.
Laurence Boléat
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Le lundi 23 juin 2008, un promeneur découvrait le corps sans vie d’une femme immergé dans les eaux de la rive sud du Loiret, à Olivet, au niveau du sentier de la Mothe Saint-Avit : il s’agissait de Caroline Marcel, 45 ans, divorcée et mère d’une petite fille de 10 ans. Directrice adjointe d’une agence bancaire, elle avait été assassinée la veille sur son parcours de jogging. Depuis cette date, trois juges d’instruction se sont succédé sans qu’aucune des pistes
explorées n’ait abouti jusque-là à l’arrestation d’un suspect. 

En janvier 2022, après avoir longuement hésité, la famille de Caroline Marcel a accepté de participer à l’émission Appel à témoins, sur M6, présentée par Julien Courbet. Sur les nombreux appels reçus suite à la diffusion, quatre d’entre eux ont retenu l’attention des enquêteurs, selon les informations dont dispose aujourd’hui la famille de Caroline Marcel. Le 11 mai dernier, l’affaire a pris un nouveau tournant : le Parquet a en effet dessaisi le Pôle criminel d’Orléans au profit du nouveau Pôle judiciaire dédié aux crimes sériels ou non-élucidés, autrement dit les cold cases, créé le 1er mars 2022 à Nanterre. Françoise Marcel, la mère de Caroline, a accepté de recevoir La Tribune Hebdo dans la demeure familiale. Si elle garde espoir que cette nouvelle cellule découvre enfin la vérité, cela n’entame pas sa certitude, forgée depuis bien longtemps : ses soupçons se portent toujours sur le compagnon d’alors de sa fille, que nous appellerons X. Dans un long entretien que nous publions ci-dessous, Françoise Marcel raconte les quatorze années qui se sont écoulées depuis la mort de Caroline, ainsi que les éléments qui ont renforcé, au fil du temps, son intime conviction. 

Françoise Marcel, depuis la mort de votre fille, vous n’avez jamais renoncé à découvrir la vérité…

Cette quête, c’est une volonté intime. Tant que nous vivrons avec mon époux et Vincent, le frère de Caroline, nous n’abandonnerons pas l’infime possibilité de trouver. Cela ne nous empêche cependant ni de vivre, ni de penser aux générations suivantes et à nos petites-filles. Charlotte, la fille de Caroline, va d’ailleurs avoir 25 ans et elle va venir fêter ici son anniversaire. Elle a déjà réquisitionné la maison pour faire la fiesta. Elle va bien, mais il faut dire que son papa – le premier mari de Caroline – est un type extra, malgré sa réserve naturelle. Ce qui nous pollue, par contre, ce sont nos propres soupçons : à l’image de l’affaire Daval, cette affaire ressemble tant à une dispute qui a mal tourné… Une énième dispute, d’ailleurs. Nous ne sommes pas dans une histoire de maltraitance « classique », mais dans le schéma du pervers narcissique, charmeur absolu. Pendant deux années, nous avons reçu X., le compagnon de Caroline. Un être charmant et prévenant, mais pour qui « une femme devait obéir… ». 

Revenons au week-end lors duquel Caroline a été assassiné, en juin 2008. Quels furent vos derniers contacts avec votre fille ?

Le week-end où le drame est arrivé, Caroline m’a appelée le samedi pour me dire qu’elle le passerait seule, alors que c’était un week-end sans enfants. Ils s’étaient arrangés avec X. pour synchroniser la garde de leurs filles respectives. Mais elle en avait assez, X. l’avait encore suivie dans un magasin pour lui faire une scène. Le dimanche, vers 16 h, elle m’a rappelée pour me dire qu’elle avait jardiné et qu’elle allait prendre un bain de soleil. Elle ne m’a pas parlé d’aller faire un jogging, elle a dû se décider plus tard. Le lundi matin, quand elle n’avait pas sa fille, Caroline avait l’habitude de se rendre à l’école pour vérifier que Charlotte était bien habillée : son papa, mon ex-gendre, me disait en riant qu’il n’était pas capable d’assortir les chaussures à la robe… Le lundi soir, à 18h, l’école l’a appelé, Caroline n’était pas venue récupérer sa fille. Mon ex-gendre a alors été chercher Charlotte et est allé directement, très inquiet, au commissariat. Les policiers lui ont dit que le corps d’une femme avait été repêché dans le Loiret. C’était Caroline.

Vos soupçons se portent donc sur X., le compagnon d’alors de Caroline. Comment cet homme se comportait-il en votre présence ?

Il était très prévenant : vous arriviez du marché, il venait porter les courses, proposait un verre d’eau… Caroline n’était pas une idiote, elle ne se serait pas laissée séduire par un goujat. Il était très intelligent. Il n’avait aucun diplôme, mais avait réussi à gravir les échelons. Peu de temps après le meurtre, sa direction m’a contactée pour savoir si j’avais des doutes sur lui, suite à l’enquête. Je me souviens leur avoir dit que beaucoup d’hommes se comportaient « comme des cons » sans pour autant être des assassins. Au contraire des policiers, j’étais à mille lieues de le soupçonner à l’époque. C’est par la suite que beaucoup de choses me sont revenues…

Comment Caroline et X. se sont-ils rencontrés ?

Ils travaillaient dans la même entreprise. L’ex-mari de Caroline était aussi quelqu’un de très prévenant, mais très froid : la rationalité faite homme. Ma fille lui reprochait cette distance, et X. a compris cela assez vite. Caroline essayait d’avoir un second bébé, et lorsqu’elle est enfin tombée enceinte, au troisième mois, elle a appelé son mari du bureau pour lui dire qu’elle était sans doute en train de perdre l’enfant. Mon ex-gendre était en réunion et n’a pas réagi comme Caroline l’attendait. C’est X., qui était alors son directeur, qui l’a emmenée à la clinique, où elle a d’ailleurs perdu le bébé. C’est ainsi que leur histoire a commencé. 

Comment la relation de Caroline avec X. a-t-elle évolué ?

X. a de son côté divorcé immédiatement, au contraire de Caroline, qui a mis presque deux ans à se décider, bien qu’elle se soit séparée et qu’elle ait alors pris un logement seule. Avant qu’elle ne divorce, tout était merveilleux. Ensuite, cela s’est dégradé : lorsque Caroline allait au cinéma, elle apercevait X. dans un fauteuil au fond de la salle. Si elle sortait avec des amies, il prenait une table dans le même restaurant. Un jour, je faisais des courses avec elle à Orléans, je ne le connaissais pas encore, et d’un seul coup, Caroline m’a dit, avec un sourire crispé : « C’est X., mon ami, qui arrive. » Il était là, soi-disant par hasard, ma fille était très gênée. Une deuxième fois, nous nous sommes rendues toutes les deux au restaurant, et il était là, encore, sur le parking. J’ai commencé à trouver cela étrange et Caroline m’a expliqué que X. la surveillait, parce qu’elle ne voulait pas vivre tout de suite avec lui. Il lui reprochait ses achats, lui demandait à qui elle voulait plaire… Un jour, elle est arrivée à la maison avec un coquard, en expliquant qu’elle s’était cognée dans une porte. C’était une relation pourrie, mais ma fille n’était pas du genre à céder. Elle a tout fait pour cacher son mauvais côté jusqu’à ce que ce soit insupportable. Lorsqu’ils se disputaient et qu’elle ne voulait pas le voir, X. dormait dans sa voiture devant sa maison et enjambait la clôture pour rentrer chez elle. 

Aujourd’hui, vous êtes toujours convaincue que X. est l’auteur du meurtre ?

Je pense qu’il l’aimait vraiment et je suis persuadée qu’au départ, il n’avait pas la volonté de la tuer. Lorsque son corps a été retrouvé, Caroline avait une marque sur la tempe : avait-elle heurté quelque chose après une énième gifle, avait-elle perdu connaissance ? À l’autopsie, on nous a dit qu’il y aurait eu profanation du corps avec une branche, soit le simulacre d’un viol avec un morceau de bois. Pour la police, il s’agissait d’une humiliation. Caroline est morte par strangulation avec son tee-shirt, et non à cause du choc. Lorsqu’il était en colère, X. pouvait casser des choses. Ma conviction, c’est qu’elle est revenue à elle et qu’il l’a achevé, car cette fois-ci c’était allé trop loin : il allait tout perdre. 

Selon vous, pourquoi X. n’a-t-il pas été inculpé ?

Il a été trois fois en garde à vue. L’inspecteur m’a dit : « Vous savez, il est très fort, très intelligent, il sait où je veux le mener et il déjoue tous mes pièges, mais je l’aurai, je ne le lâcherai pas. » Malheureusement, ce policier est mort peu de temps après d’un accident de plongée sous-marine. Il aurait pu le faire flancher. Entre-temps, X. a sans doute repris confiance. Et surtout, lorsque nous avons rencontré le premier juge d’instruction, cela a été clownesque : ce magistrat nous a reçus avec une heure et demie de retard et nous a interdit de lui adresser directement la parole : il fallait passer par notre avocate. Celle-ci a essayé d’avancer des éléments, mais ce juge d’instruction refusait d’entendre. Nous aurions dû quitter son bureau, mais nous étions encore sous le choc. Pour moi, il ne fait aucun doute que c’est ce juge qui a tout fait capoter, il est fautif de n’avoir écouté personne, d’autant que les deux inspecteurs chargés de l’enquête étaient, eux, persuadés de la culpabilité de X.

L’instruction n’a donc, depuis, jamais rien pu prouver ?

Il y a une voiture identique à celle de X. qui a été enregistrée par la caméra des guinguettes, mais il n’y a pas eu de suite. X. n’a pas nié s’être disputé – bien qu’il ait menti au départ –, disant être parti à Bordeaux. Or, le ticket du péage a prouvé qu’il était revenu sur la zone d’Orléans à 17h50. Son téléphone fixe a appelé son téléphone portable dans la soirée, soi-disant parce qu’il ne le retrouvait pas. Or, chez lui, c’était monacal et parfaitement rangé : ne pas retrouver son portable, c’était impossible. Pour l’inspecteur, c’était une façon de prouver qu’il était chez lui.

X. vous a aussi téléphoné, peu de temps après…

Oui, le mercredi, avant les obsèques, il m’a dit : « Il faut absolument qu’on se voie, que je vous parle, j’ai fait une très grosse bêtise. » Mais je n’étais pas disponible à ce moment-là et je lui ai demandé de me rappeler. Il est venu ensuite aux obsèques avec sa gerbe de roses, en larmes, mais il ne m’a jamais rappelée. Deux ans plus tard, c’est moi qui l’ai contacté pour lui parler de cette « grosse bêtise ». Il a nié en bloc m’avoir dit ça… J’ai répondu que je n’étais pas encore gâteuse, que s’il avait quelque chose à dire, qu’il le fasse, et j’ai raccroché. Alors oui, on peut toujours avoir un doute, mais aujourd’hui, je suis sûre à 98 %.

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