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Ségolène Beauchamps À livres ouverts
Portrait

Ségolène Beauchamps À livres ouverts

Il est difficile de ne pas la remarquer : au-delà de son sens du style impeccable et de son écoute attentive, Ségolène Beauchamps exerce une profession qui ne court pas les rues d’Orléans : experte en livres anciens. Et bien qu’elle soit discrète devant l’objectif, cette femme indépendante et active n’a rien d’un rat de bibliothèque, étiquette que l’on attribue aisément aux gens du métier…
Ambre Blanes
20/11/1973 :   Naissance à Moulins
1998 :  Entrée au cabinet d’expertise Giraud-Badin, à Paris
2013 :  Emménagement à Orléans

Originaire de l’Allier, Ségolène Beauchamps est née dans une famille de commissaires-priseurs et a toujours été une grande lectrice. « Chez moi, les livres, ce n’est pas du tout génétique, raconte-t-elle, mais c’est intrinsèque. Je me souviens que la première fois que j’ai entendu le mot « incunable » (les premiers ouvrages imprimés, vers 1460-1480, ndlr), j’avais 7 ans. Mon grand-père se tenait devant sa bibliothèque et m’a dit de ne pas les toucher ! »

Le travail de Ségolène Beauchamps est aujourd’hui de s’intéresser à l’objet livre et non à ce que dit l’auteur entre les pages. Elle doit rendre une description physique complète du livre, incluant les références bibliographiques. Attrapant un exemplaire de La Princesse de Clèves sur sa table de travail, elle détaille ainsi le rituel sous nos yeux. Elle commence par l’extérieur en vérifiant l’état général du livre, la reliure, les tranches, puis elle collationne. Il s’agit de s’assurer que le livre est complet en comptant feuillet par feuillet. Elle examine ensuite l’intérieur : l’édition, le tirage, le papier, les ex-libris (les marques de provenance du propriétaire, NDLR)… S’agit-il de l’un des premiers exemplaires ? L’ouvrage dispose-t-il de toutes ses gravures ou le collectionneur a-t-il truffé son exemplaire d’ajouts ? Pour ce Madame de La Fayette imprimé sur un précieux papier vélin, l’estimation s’élève à 550 €. Un défaut sur la couverture pourrait la faire craquer, Ségolène Beauchamps va alors contacter une restauratrice afin de vendre quelque chose de propre. « Ce qui fait la valeur de ce livre, c’est sa rareté, explique-t-elle. Il n’y a pas eu de grand tirage pour cette édition de 1889 : on le trouve rarement et toujours moche ! Or, cet exemplaire-ci est vraiment beau ! »

Après des études préparatoires, une maîtrise en histoire du livre, un cursus en muséologie à l’École du Louvre et un passage chez un libraire, Ségolène Beauchamps a été appelée par un grand expert parisien chez lequel elle est restée 10 ans en poste, faisant son trou dans ce milieu d’hommes, avant de se mettre à son compte en 2008. Ainsi, elle a pu s’adonner à la rédaction de notices et de catalogues de ventes, une activité de bibliographe qui l’a attirée jusqu’à ce jour et qui lui a donné accès à un créneau de niche, puisque cela sert aussi à ses confrères. Toutefois, ce qu’elle aime le plus, c’est acheter : « j’ai attrapé le virus des libraires, dit-elle. Je rencontre beaucoup de collectionneurs passionnés, nous sommes peu à nous comprendre et j’aime nos conversations intimistes. »

Se partageant entre les cabinets d’étude, les maisons de vente et ses recherches bibliographiques pour les libraires, Ségolène Beauchamps court le jour à travers Paris, de la Bibliothèque Nationale de France à l’Opéra en passant par d’autres hauts lieux culturels. La veille de notre rencontre, elle s’est même rendue dans l’immeuble d’Apollinaire pour un inventaire chez un particulier ! Le train au quotidien ne la dérange pas : elle en profite pour dormir ou pour travailler.

Douceurs orléanaises

Car après vingt-deux années passées dans la capitale, en voilà sept qu’elle réside à Orléans. Ségolène Beauchamps savoure son bonheur : « nous aimons beaucoup la ville, la Loire, la forêt. En tant que maman, j’ai vécu l’expérience parisienne de devoir faire la queue au toboggan, c’était horrible ! Ici, on peut faire du sport correctement sans devoir se lever à 4h pour arriver assez tôt pour les inscriptions au cours de tennis ! Je cours, fais du yoga et du vélo ». Son réseau s’est aussi tissé dans la cité johannique. Elle est ainsi amie avec les autres libraires de livres anciens et travaille avec des commissaires-priseurs orléanais qui, étant généralistes, font appel à des experts pour évaluer les biens, ou avec des héritiers de collections en Sologne. Mais le gros de sa clientèle, tout comme l’activité de son époux, se trouve sur Paris, où il serait raisonnable de rentrer un jour, maintenant que ses trois filles sont grandes. Un pas qu’il sera difficile d’entreprendre, car Ségolène Beauchamps aime le fleuve majestueux qui lui paraît « large comme l’Amazonie », et ne se lasse pas de se promener dans l’Orléans ancien et ses ruelles aux maisons à colombages. Qui sait les ouvrages qui y reposent
sur les étagères ? λ

NB : Si d’aventure, votre bibliothèque recèle quelques pépites, contactez : Rarus Liber, rarusliber@gmail.com, 06 64 67 12 60. 

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